Enquête sur l’incivilité et l’insécurité chez les ados vaudois


Présentée en conférence de presse sous l’égide de Mme A.-C. Lyon et du professeur M.Killias, le 2 mars dernier, une enquête de l’Ecole des sciences criminelles (UNIL), mandatée par le DFJ, met en lumière les questions de « victimisation » et de délinquance chez les ados de 14 à 16 ans.


Ne pas « fliquer l’école », mais agir de concert avec le corps social


« Tirer tous à la même corde » selon Anne-Catherine Lyon ; « Promouvoir le partenariat et le décloisonnement » pour Denis Froidevaux, Chef de l’opération Police 2000.

Entre l’école et les services de justice et police, en recentrant l’action sur les familles, dans la volonté de restaurer un tissu social en déliquescence pour de nombreux jeunes en déshérence, les responsabilités et les actions se doivent d’être partagées.

C’est en tout cas le message fort qu’ont voulu faire passer les initiants de l’enquête intitulée : « Les jeunes, les transgressions et l’insécurité : victimes et auteurs », menée par l’Ecole des sciences criminelles de l’Université de Lausanne, en mai 2003, auprès de 2500 élèves de 8e et 9e année de 13 établissements scolaires des districts d’Echallens, de Vevey et de l’agglomération de Morges .

Des résultats clairs et alarmants


Les résultats de l’enquête montrent, et l’on ne sera pas vraiment surpris, que la population concernée commet beaucoup plus d’infractions que celle des années 90 et qu’elle en est bien plus souvent victime. D’autre part, on retiendra que la situation du canton de Vaud est sensiblement la même que ce qui a pu être observé à Zoug ou à Zurich. « C’est un problème que connaissent l’ensemble des sociétés occidentales », déclare le professeur Martin Killias, un des auteurs de la recherche.

Ainsi, si certains chiffres peuvent paradoxalement réjouir, dont celui des 95 % d’élèves qui estiment que l’école est un lieu où l’on est relativement protégé de la violence, d’autres ne manqueront pas d’inquiéter et parfois même de paraître contradictoires . Contradiction explicable néanmoins par la différence forte entre la violence subjective et celle dont on est la victime objective.

Ainsi, sur l’ensemble des trois districts, si seuls 7 % des écoliers se disent victimes de violence au moins une fois par semaine, 47 % admettent l’être quelques fois dans l’année.

D’autre part, 10 % d’élèves avouent violenter fréquemment leurs camardes, alors que 50 % disent le faire « parfois ». Mais il n’existerait pas de corrélation entre ces groupes de victimes et d’agresseurs et pas de lien avéré entre violence commise et subie.

À cet endroit, l’étude reconnaît que bien que minoritaire (4,3 %) les auteurs de violence fréquente atteignent un « potentiel de nuisance dans une classe qui peut atteindre des proportions inquiétantes ». Il semble convenir de saluer ici la reconnaissance officielle de cet état de fait.

Méchant garçon…


Quel profil pour l’ado délinquant type ? De manière générale, les taux de délinquance sont 2 à 3 fois plus grands chez les garçons pour les vols de véhicule, les lésions corporelles, les menaces avec une arme, le vandalisme et la vente de drogues douces… Seuls les vols à la maison et les fugues sont plus souvent commis par les filles !

Si les victimes se répartissent « équitablement » entre les élèves, quelle que soit la division qu’ils fréquentent, de grands écarts existent entre le niveau de formation suivie et les comportements violents et incivils. Ce ne sera pas une surprise : le taux de délinquance est directement lié à la filière fréquentée. Les élèves de VSB sont les plus civils… ceux de VSG le sont un peu moins, alors que les élèves enclassés en VSO adoptent plus de comportements déviants. « Ces jeunes au parcours de vie très chahutés, issus souvent de familles qui n’arrivent plus à apporter le soutien nécessaire », selon Anne-Catherine Lyon, qui s’avance toutefois prudemment dans l’analyse.

Quant à l’origine des élèves, seuls quelques indicateurs restent signifiants : les étrangers fuguent moins, mais sont plus enclins à l’absentéisme, au vol, au vol de et sur un véhicule, à commettre des lésions corporelles et à la vente de drogues dures. Les différences restent néanmoins modestes et viendront dans ce sens contrecarrer les idées reçues, les élèves suisses restant les champions dans la consommation de substances interdites (haschisch, alcool fort bière, vin et alcools)…

Mais que fait l’école ? et que fait la police ?


« Il s’agit de faire collaborer les différents services de l’Etat, commencer par une vraie prise de conscience et agir avec cohérence, dans le partenariat et le décloisonnement, notamment entre services cantonaux et communaux. Ne pas réagir risque de nous entraîner sur un toboggan qui conduit vers un bassin abyssal », indique Denis Froidevaux. « L’école a accepté de se mettre à nu ; elle n’est pourtant qu’un des acteurs dans la recherche de solutions dont l’ensemble de la société doit se sentir porteuse » avance Mme Anne-Catherine Lyon.

Rappelant avec fermeté que l’exclusion ne saurait être, même en ultima ratio, une solution acceptable, la Cheffe du département estime que l’école se doit de poursuivre la recherche de solutions.

On le sait, entre actions de prévention, procédure de gestion de crise (programme GRAFIC établi sous l’égide de l’Office des écoles en santé) et gestion au quotidien (chartes et projets), l’engagement des collègues est assidu dans les multiples mesures qui tendent à réguler la montée des incivilités, faute de pouvoir vraiment l’enrayer. Ce « terrain auquel on peut faire confiance », selon Daniel Christen Directeur général de l’enseignement obligatoire.

Mais au-delà, dans une société où la première des insécurités est celle des incertitudes sur l’emploi et l’insertion professionnelle, dans une collectivité qui se renferme et sait de moins en moins trouver des lieux de mixité sociale, quelle doit-être la part de l’école ?

Serge Loutan, chef de projet au DFJ le rappelle à juste titre : « Il s’agit d’abord de ne pas banaliser les actes d’incivilités, et aussi de prendre acte que l’école reste un lieu relativement tranquille où l’on peut débattre ces questions, les réguler, chercher des solutions et poser des règles ».

Rappelant l’existence de l’article 47 de la Loi scolaire, qui prévoit des établissements secondaires à trois divisions, Anne-Catherine Lyon soutient l’idée que loin de créer des ghettos, il s’agit de faire se rencontrer les élèves de l’école obligatoire, quelles que soient leurs capacités d’apprentissage.

Pour la Cheffe du département « C’est une manière d’éclairer la question des filières ».


On ne saurait mieux dire !


Dan (l'enquête de l'école des sciences criminelles est disponible sur le site internet du dfj, en téléchargement)