Quel accueil?


"On aère…vous n'êtes pas des boeufs!"
Quand EVM fut lancé, bon nombre d'entre-nous furent perturbés quand, alors que nous étions convoqués en conférences régionales, l'on se permit d'interroger nos façons d'accueillir les élèves...


D'autre part, beaucoup s'interrogent sur la perte de foi, de vie et d'intérêt qui saisit les élèves à l'adolescence. On cherche. On ne trouve pas vraiment. «Oh, tu sais, Noémie et Sandra à part les garçons, y'a plus rien qui les anime… Quant à mes gaillards, sortis du foot et de la Nintendo…».


Et si la cause était ailleurs. Dans le vide des murs de locaux usités par des maîtres multiples qui, volatiles voyageurs de commerce du savoir, ne peuvent trouver le temps d'investir dans ces choses inutiles… la décoration, la touche perso qui soudain donne au lieu cette convivialité qui permet de se sentir à l'aise, au chaud quand il fait froid dehors, qu'il tonne, qu'il vente ou que la grêle menace. Ce qui fait que le maître, la maîtresse et l'élève se sentent un peu chez eux, comme dans une deuxième maison, tout autant accueillante que la «vraie».

Observez les petits, tout fiers, qui peuvent montrer leur classe et leur place lors des soirées scolaires et les parents qui se rassurent car ils savent alors leurs enfants en un lieu protégé, dynamique où la vie chante, entre coin-lecture, tapis récupérés, collections de fossiles ou d'herbes ramassées, et des dessins et des images et des sorcières qui pendent au plafond… L'accueil cela commence comme ça: voyez comme la maison est vive et colorée…voyez donc comme on peut y faire vivre le savoir! Tous nos élèves sont des migrants, même si, du foyer à l'école, le chemin n'est pas souvent bien long… En ce sens, toutes nos classes sont des classes d'accueil!

interrogeons la fonction de garde


La motion Cohen-Dumani (voir à ce propos la prise de position du comité de l'AVECIN) et les expériences menées à Lausanne autour de l'harmonisation des horaires ont remis au centre du débat la dimension de garde de l'école. Coincés entre des contraintes paradoxales, nous serions facilement amenés de rejeter d'un revers de main les interrogations et de renvoyer les mamans (ou les pères) à leurs foyers, cuisines et responsabilités parentales: «on a fait des enfants, on assume!». En défendant un professionnalisme plus pointu, en plaçant notre responsabilité pédagogique au centre de notre mission, on est tenté d'occulter une des fonctions essentielles de l'école: assurer, assumer au delà du développement des compétences et de l'atteinte des objectifs d'apprentissage, l'accueil des enfants dans un milieu qui permet aux parents d'accomplir et de poursuivre leur engagement professionnel. Dans ce cadre, loin de nous alors l'idée de renvoyer dos à dos les maîtresses et les éducatrices de la petite enfance responsables de l'accueil en garderie. Toutes sont des professionnelles avec leurs spécificités propres!

A ce stade, nous mettons néanmoins en garde contre toute précipitation dans la généralisation des expériences actuellement menées; nous demandons que le suivi soit assuré et évalué par des professionnels (c'est le cas à Lausanne, avec le Dr Virgile Boringer); nous affirmons fortement que les modèles ne sont pas exportables et que l'on doit notamment prendre en compte les spécificités citadines ou rurales (on doit développer, parallèlement aux offres scolaires, les unités d'accueil pour écoliers, le mercredi matin, l'espace compris entre 7 heures et 8 heures 30, à midi et après l'école); nous émettons l'hypothèse que la répartition du travail sur quatre jours de nos collègues du secteur enfantin porte en lui des potentialités de burn-out et d'interrogations sociales (congé du mercredi matin…qui conduit aux 28 périodes d'enseignement!); nous exigeons donc que ce dossier passe par une définition clarifiée des missions dans une réflexion sur le cahier des charges. Enfin, et même si nous acceptons comme une donnée incontournable les transformations sociales, nous affirmons devoir protéger et défendre le professionnalisme et relevons que, par exemple, la mise en avant du modèle «tessinois» n'est pas dénuée d'angélisme, et que l'on pourrait interroger le modèle genevois, dans lequel les activités parascolaires sont dissociées en responsabilité de celles des enseignants.


Une note d'humour, pour conclure, un témoignage du terrain, une façon originale d'accueillir les élèves: «ça pue dans cette classe, c'est une écurie! aérez on n'est pas des boeufs!». Outre le fait que les boeufs ont d'autres soucis en ces temps incertains… cher collègue, faudra vous-y faire. Le travail, ça sent, c'est comme ça et c'est tant mieux!