A paraître dans l'Educ de septembre: Pénurie…
Récupéré par le «géant orange» de la distribution suisse (Pénurie d'enseignants en Suisse… pour le reste vous trouverez à M. tout ce qu'il vous faut pour la nouvelle année scolaire), le manque d'enseignants qui menace notre pays (et notre canton) a été mis en avant par un communiqué
de la CDIP (Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique) au début juin de cette année. Les remèdes proposés seront-ils les meilleurs?
Dans l'actualité scolaire somnolente de l'été, certains furent sans doute interrogés par un article d'un grand quotidien lausannois, tout ému que deux établissements vaudois, à la recherche de maîtres «frontaliers» du secondaire I, passent des annonces dans le journal
Dauphiné libéré. Cette initiative, qui fait suite aux déclarations de la CDIP et aux atermoiements sur la formation pédagogique des licenciés (ceux-ci ont préféré dans leur écrasante majorité une formation passerelle courte et surtout plus lucrative!) pour cette rentrée 2001, en aura peut-être choqué. Pour notre part, nous voyons là un signe d'ouverture bienvenu, bien que paradoxal à quelques jours de la mise en route de la première volée de la HEP.
Ainsi donc, le métier n'attire plus. Qui l'eut cru? Et pourtant les causes n'en sont pas neuves. A tout le moins, cette pénurie était largement prévisible:
- féminisation accélérée de la profession induisant une plus grande part de temps partiels (c'est ainsi, les temps ne changent pas: Monsieur travaille à temps plein et Madame se partage, ou se démultiplie, entre les tâches scolaires et familiales…avec le risque d'une image dépréciée d'amateurisme et de fonction d'appoint salarial, et comme conséquence aussi une faible mobilisation syndicale …);
- fluctuations conjoncturelles qui conduisent nos collègues à quitter la profession… et à n'y pas revenir quand les conditions offertes ailleurs sont meilleures;
- image dégradée de la profession donnée par des médias gourmands des difficultés et boudant les succès;
- débats théoriques permanents et mise en place mouvante des réformes;
- pénibilité aggravée par une dégradation comportementale des élèves;
- nouvelles relations (parfois conflictuelles) avec les parents;
- déplacements de la formation en école normale vers de véritables études de degré tertiaire; plus gratifiantes, mais aussi plus incertaines…
Plus que jamais, la formation des enfants et des jeunes est bien l'or noir du futur de nos sociétés postindustrielles. Si l'on ne le saisit pas et si l'on continue de lésiner sur les moyens, les coûts induits par les laissés-pour compte, mis à l'écart ou abandonnés sur le bord du chemin, dépasseront largement le manque de vista et d'investissement d'aujourd'hui.
Pour autant les remèdes proposés par la CDIP laissent songeur: polyvalence, mobilité… peut-être; perspectives de carrière de directeurs d'école… pour quelques unes et quelques uns. Mais les autres? Les collègues qui n'ont d'autre que la belle ambition d'aider à construire des savoirs dans une équipe locale prise dans la gangue du tissu social communal? Nous préférons ce que dit la CDIP sur l'impossibilité de surajouter de
nombreuses tâches supplémentaires et ne
pas non plus déléguer à l'école l'entière responsabilité de l'éducation, simplement parce que nous ne disposons pas de structures sociales appropriées.
De plus, il convient d'interroger inlassablement le cahier des charges (28 périodes ça devient souvent intenable!) et de remettre en avant la revendication d'une revalorisation salariale, au primaire en tout premier lieu (à mi-carrière les salaires des enseignants du primaire et du secondaire inférieur, en proportion du PNB par habitant, étaient plus bas en 1999 qu'en 1994 dans presque tous les pays de l'OCDE
1 … et les fonctionnaires vaudois ont perdu plus de 10% de pouvoir d'achat en 10 ans!)
Jacques Daniélou
Post-scripta:
- Plus de 3000 écoles de Grande-Bretagne s'engagent au jour J et à l'heure H à faire effectuer aux enfants un saut sur place le plus fort possible, dans l'objectif d'ébranler les sismographes de la verte Albion. Enfin une façon concrète de vérifier que le poids des élèves n'est pas un vain mot…les politiques seront-ils convaincus?
- Aux Etats-Unis, les bus scolaires sont sécuritaires et s'arrêtent devant le domicile des élèves; le plus petit hameau dispose d'un bureau de poste: c'est aussi ça le libéralisme…
1 communiqué de presse de l'Internationale de l'Education, du 13 juin 2001